Alcoolisme : le comédien Saïd Mchiaa témoigne
Le moment décisif
Le comédien Saïd Mchiaa
nous raconte
comment
il s'en est sorti de son alcoolisme
J'ai commencé mon « stage » d'apprenti alcoolo en 1977 à la faculté des sciences à Rennes. J'avais l'âge de 22 ans. La première année, je ne buvais de l'alcool qu'une fois par mois, pendant les soirées étudiantes « boum ». Pour me lancer sur la piste de danse et draguer quelques gazelles, j'enfilais une dizaine de kro. Et ça marchait, les soirées étaient fructueuses. L'année suivante, je m'aventurais dans les bistrots situés, rue de la Soif, question de me détendre, échanger mes idées avec les clients du comptoir. Je rentrais après les discutions saoulantes, avec environ 1,5 gramme d'alcool dans chaque poche. Jusque-là, tout allait bien, les études ne soufraient pas beaucoup.
Les choses ont commencé à se corser lors des grèves contre la loi Barre-Bonnet en 1979. Les journées, je les consacrais à la lutte finale et les soirs au gwin-ru infernal. Toutes les occasions étaient bonnes pour boire : L'occupation de la fac, les piquets de grève, les manifs, les fest-noz. S'ajoutaient à tout cela les virées nocturnes pour changer le monde.
Je nageais dans l'alcool.
Ma fréquence d'alcoolisation augmentait avec les années. Je n'avais plus de limite. L'alcool avait pris le dessus. Je n'allais plus au labo. Je travaillais sur les complexes du fer. J'ai lâché mes études du troisième cycle et « choisi » de continuer la recherche dans ma modeste chambre à Beaulieu en mélangeant, cassis, whisky, bière, et tout autre liquide contenant de l'alcool. Le CROUS m'a exclu de la cité universitaire. Je me suis trouvé SDF. Mon stage d'alcoolo a réussi, félicitations...!
J'ai essayé de m'en sortir plusieurs fois seul, échec. En décembre 1993, j'avais fait ma première cure à Plouguernével. Mon abstinence a duré environ six mois. J'en avais refait une autre à la clinique de l'Odet, puis un sevrage à Concarneau après un an d'abstinence. L'alcool était resté toujours présent... Je n'étais pas convaincu de mon alcoolisme. En 1998, j'ai traversé l'Odet à la nage avec 3 grammes dans le sang... Le festival de Cornouaille n'arrangeait pas ma situation, la fête de la musique aussi. J'étais interdit de partout dans les bars. Je tiens sincèrement à remercier les patrons. Ils m'ont permis de retrouver ma dignité et mon pouvoir d'achat J'avais eu annulation de permis. J'étais opéré d'une tumeur au cerveau. J'avais fait des comas éthyliques, des crises d'épilepsie, polynévrite... Rien à faire, jusqu'à ce qu'on m'annonce mon cancer...
C'est grâce à l'amour pour mes enfants, l'aide de mon médecin traitant, le soutien des professionnels en l'alcoologie et oncologie que j'ai pris vraiment conscience de ma maladie. Le moment décisif est arrivé : la vie ou l'enfer ? J'ai opté pour la vie. Alors, j'ai tiré le dromadaire par la queue et pris la résolution de me soigner. J'ai refait une troisième cure en 2006 à l'hôpital de Concarneau suivie d'une post-cure au phare à Lorient. Maintenant, j'ai une superbe famille, et courir derrière les gazelles ne me dit plus rien. Aujourd'hui je vais bien, sans alcool bien sûr.
Mchiaa. said